Carthage a été fondée par une princesse phénicienne, Elyssa, que les textes anciens surnomment Didon. Détruite par les Romains, Carthage devait renaître de ses cendres pour devenir une des plus grandes villes de l'empire romain. Le site est aujourd'hui inscrit sur la Liste du Patrimoine Mondial de l'Humanité de l'Unesco.
Carthage – Qart Haddasht ou « ville nouvelle » en langue phénicienne – a été fondée par une femme, Elyssa, que les textes anciens surnomment Didon (« l’errante »). Sœur de Pygmalion, roi de Tyr, elle fuyait la Phénicie avec quelques compagnons : son propre frère avait assassiné son époux, prêtre de la déesse Ashtart. C’était, selon la tradition, en 814 avant J.-C.
Puis le déclin des cités phéniciennes d’Orient conduisit Carthage à prendre la tête de leur réseau de comptoirs. Elle en fit un empire comptant parmi les plus riches de son temps. Seuls les Grecs pouvaient lui faire de l’ombre ; mais ce sont finalement les Romains qui vinrent à bout de sa puissance, l’envahirent et la livrèrent aux flammes en 146 avant J.-C.
Un siècle plus tard, Carthage devait renaître de ses cendres. Reconstruite à l’image de Rome, elle en égala presque la splendeur par le luxe et les dimensions de ses monuments. La province de Carthage, l’Africa, devint une des plus brillantes de tout l’empire ; elle fut aussi, dans l’Antiquité tardive, un haut-lieu de propagation du christianisme.
De cette riche histoire subsistent d’innombrables vestiges dispersés sur un vaste territoire. Les différentes périodes y sont intimement imbriquées.
La colline de Byrsa, qui surplombe la cité, était couronnée, à l’époque romaine, par une gigantesque esplanade où se trouvaient le forum et les principaux bâtiments officiels. On peut encore y voir un quartier punique – le “quartier Hannibal” – qui avait été enseveli lors des travaux de terrassement ; il porte les traces de l’incendie provoqué lors de la conquête romaine.
Ville de navigateurs, la première Carthage était dotée d’un port constitué de deux bassins communicants : celui relié à la mer, rectangulaire, accueillait la flotte commerciale, tandis que le second, en retrait, était un port militaire de forme circulaire. La Carthage romaine les remit en activité.
Ces bassins subsistent encore, bien qu’en partie comblés ; le second comprenait un îlot central où on a retrouvé les vestiges des anciennes cales sèches.
Non loin se trouvait le sanctuaire punique dédié à la déesse Tanit et au dieu Baal Hammon, connu aujourd’hui sous le nom de tophet. Il s’agissait d’une vaste aire sacrée à ciel ouvert où les Carthaginois ont déposé, pendant des siècles, des stèles gravées portant des vœux qu’ils accompagnaient d’offrandes et de sacrifices animaux.
Quant à la Carthage romaine, elle éleva des temples à ses nouveaux dieux et adopta le culte de la famille impériale. Un superbe autel sculpté, dédié à la famille de l’empereur Auguste, ainsi que d’innombrables statues de divinités, de princes et de princesses ont été découverts à Carthage ; des statues géantes en marbre qui témoignent du raffinement artistique de la cité.
Rues pavées en damier, gigantesques réservoirs d’eau témoignent des aménagements considérables dont fut alors dotée la cité. L’amphithéâtre approchait, par ses dimensions, le Colisée de Rome. L’hippodrome, aujourd’hui disparu, était le second par la taille de tout l’empire après le Circus Maximus.
Les nouveaux Carthaginois se rendaient en foule au théâtre ; ils y applaudissaient des comédies et tragédies latines, des numéros de mimes ou de funambules, des conférences publiques données par des orateurs comme le grand écrivain africain Apulée.
Bien conservé, ce théâtre était plus grand encore qu’il n’y paraît aujourd’hui : aux gradins creusés dans la colline s’ajoutaient des gradins supérieurs soutenus par une structure en arcades.
Les riches Romains possédaient de superbes villas où alternaient cours bordées de portiques, salles d’apparat pavées de mosaïque, jardins ponctués de cascades et de statues de marbre.
Ils allaient se délasser sous les voûtes des thermes bâtis sous l’Empereur Antonin : leur niveau inférieur, bien conservé, et quelques immenses colonnes donnent une idée de leurs dimensions colossales – jusqu’à trente mètres sous la plus haute voûte. Tout près de là s’entremêlent tombes puniques, vestiges de maisons romaines, restes de cryptes et de basiliques chrétiennes.
Car Carthage a été aussi un grand foyer du christianisme. Saint Augustin y a imposé sa doctrine dans des conciles houleux. De nombreux vestiges de basiliques chrétiennes ont été retrouvés ; celle connue sous le nom de Damous el-Karita était la plus grande d’Afrique.
Carthage fut ensuite abandonnée pendant des siècles, et ses monuments pillés : son marbre et son granit ont servi à construire les cathédrales de Pise et de Gênes, ses plus beaux chapiteaux et colonnes de marbre sont partis orner la mosquée ez-Zitouna de Tunis. Le site reste cependant puissamment évocateur de cette cité dont le rayonnement dura plus d’un millénaire.
Selon la légende, la colline de Byrsa serait le lieu de fondation de la cité. Le site répond au souci habituel des Phéniciens de pouvoir établir un port bien protégé et facile à défendre. Visible de l’autre côté de la baie, le mont Bougarnine (« aux deux cornes ») abritait un sanctuaire dédié au dieu Baal, renommé à l’époque romaine Saturnus Balcaranensis.
Le sanctuaire dédié à la déesse Tanit et au dieu Baal Hammon est un espace où se sont accumulés, strate après strate, des milliers de stèles votives. Son surnom de tophet (d’origine biblique) se réfère à de prétendus sacrifices d’enfants rapportés par certains auteurs grecs et romains ; mais la réalité de ce rite archaïque est aujourd’hui contestée par de grands spécialistes.
L’art carthaginois, d’origine phénicienne, traduit souvent une influence égyptienne ou grecque. Carthage a aussi beaucoup importé et copié les plus belles productions du pourtour méditerranéen. Excellant dans la poterie, la métallurgie, le travail de l’ivoire et de la pâte de verre, les Carthaginois étaient largement ouverts sur le monde extérieur.
C’est en Tunisie que la mosaïque romaine a atteint un haut degré artistique grâce à l’inventivité et à la maîtrise technique des mosaïstes locaux. La mosaïque romano-africaine est remarquable par la spontanéité de ses thèmes et le réalisme de ses couleurs finement nuancées.
La Villa romaine dite de la Volière, restaurée, est remarquable avec sa colonnade de marbre rose et sa salle d’apparat qui donnait sur une succession de bassins. Les belles maisons romano-africaines étaient aménagées autour d’une cour intérieure, et leur sol orné de mosaïques (celle figurant des chevaux de course provient d’une autre maison de Carthage).
© G. Mansour, “Tunisie, patrimoine universel”, Dad Editions, 2016
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